Le Nantais Bernard Decré sur les traces de l'Oiseau blanc
Nantais d'origine, Bernard Decré, passionné par les hydravions (ici à bord d'un Catalina), est sûr que l'épave de l'avion de Nungesser et Coli est au large de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Bernard Decré a repris l'enquête sur la disparition de Nungesser et Coli, en mai 1927. Il est convaincu que l'épave de leur avion se situe près de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Dans son agenda, une latitude et une longitude. C'est là. Bernard Decré, nantais d'origine, passionné de mer (il est le créateur du Tour de France à la voile en 1978) et d'aviation, en est sûr : à quelques milles au sud de Saint-Pierre-et-Miquelon se trouve l'épave de l'Oiseau blanc. L'avion de Charles Nungesser et François Coli a officiellement « disparu quelque part dans l'Atlantique Nord » le 9 mai 1927, dans la tentative de première traversée transatlantique entre Le Bourget et New York.
L'énigme de cette disparition n'a jamais été résolue. « Les Américains ont fait croire que l'on avait retrouvé des morceaux de l'épave dans l'État du Maine mais cela n'a jamais été prouvé. Nungesser, un as de la Grande Guerre, et Coli, pilote issu de la marine marchande, n'auraient jamais eu assez d'essence pour arriver jusque-là. À l'époque, la compétition commerciale aéronautique entre Américain et Français faisait déjà rage », explique Bernard Decré qui a repris tous les éléments des enquêtes menées jusque-là.
En pleine prohibition
En recoupant les témoignages, il est désormais convaincu que les célèbres aviateurs, obligés par le mauvais temps de contourner Terre-Neuve - soit cinq heures de route supplémentaires -, se sont abîmés en mer près de Saint-Pierre-et-Miquelon après avoir essuyé un mitraillage depuis un ou des bateaux impliqués dans le trafic d'alcool dont Al Capone était le maître, mené en pleine prohibition à partir de l'archipel français.
« Plusieurs personnes ont vu et entendu depuis les bateaux. Mais en plein trafic, personne n'a parlé. Perdu au-dessus de l'eau, l'avion qui porte l'insigne des pirates sur la carlingue (insigne de Nungesser), est accueilli par une salve de mitrailleuse, d'un bootlegger ou d'un coast guard, on ne peut savoir. Des années plus tard, certains ont parlé », confirme Bernard Decré. En 1971, dans son livre consacré à l'énigme, Marcel Jullian écrit : « Il se pourrait que Nungesser et Coli aient été abattus. »
Par 30 à 50 mètres de fond
En 1985, un rapport de l'inspection générale de la Marine reprend les dix-sept témoignages et confirme que l'avion a été vu la dernière fois au large de l'Irlande se dirigeant vers l'ouest. Mais ce sont surtout deux témoignages qui vont convaincre Bernard Decré.
D'abord, vingt ans après les faits, celui du capitaine Plessis de la marine marchande qui se trouvait à bord d'un navire de Saint-Pierre, vraisemblablement impliqué dans le trafic d'alcool, proche du naufrage de l'Oiseau blanc.
Ensuite celui d'un pêcheur, M. Le Chevalier, parti seul avec son chien. Ce dernier racontera qu'il a entendu un avion, puis un bruit de collision, avant que son chien ne se mette à hurler à la mort. « Malheureusement, on n'est pas allé plus loin », déplore Bernard Decré qui, à partir de la position de ce pêcheur, détermine l'endroit où s'est abîmé l'Oiseau blanc : « Ce sont des fonds de trente à cinquante mètres. Quatre-vingts ans après, on doit pouvoir encore retrouver le bloc-moteur, un douze cylindres de quatre cents kilos, une grande hélice, éventuellement les trois réservoirs en aluminium. Le reste a dû disparaître. »
Aujourd'hui, Bernard Decré, qui en appelle toujours à des témoignages complémentaires, a pris des contacts pour entamer des recherches : « Nous allons essayer de voir avec la Marine nationale et le Fulmar de la gendarmerie maritime ce que l'on peut faire pour monter une opération de localisation de l'épave ! »
Éric Cabanas
Presse-Océan